Commerce

Dynamiques et personnalisée, voici venir les promotions du futur

Le retail se repose massivement sur les promotions pour attirer et transformer le chaland. En France en 2015, 21% des ventes de détail non-alimentaires étaient réalisées sur des articles en soldes ou en promotion et 19% dans l’alimentaire, selon IRI Worldwide. Et selon Nielsen, le montant des rabais accordés s’élève à 9 milliards d’euros dans le non-alimentaire comme dans l’alimentaire. Dans la mode, les prix barrés pèsent encore plus lourd : 40% du chiffre d’affaires du secteur d’après l’IFM et même 58% sur Internet, où la concurrence est à couteaux tirés.

Poids des promos dans le retail britannique, français et allemand. © Lucky Cart

Toutefois, le poids considérable de ce poste de dépenses reste souvent invisible dans le compte de résultat des marques et des marchands, à la différence par exemple de leurs budgets publicitaires. Beaucoup de commerçants ne savent donc pas combien ces rabais leur ont coûté dans l’année, qui plus est lorsqu’ils sont financés par les marques, un classique de la grande distribution. Pour autant, les promos ne sont évidemment pas toujours employées à bon escient puisqu’elles sont dégainées de façon indistincte. Alors que depuis des années Criteo et consorts personnalisent les publicités, n’est-il pas grand temps de personnaliser aussi les promotions pour les rendre plus pertinentes, plus efficaces et bien sûr plus rentables ?

Les boîtes mail débordent de promos, mais combien sont réellement utiles ? © 

Si le principe du pricing dynamique est déjà répandu dans certains secteurs, l’idée de procéder par clusters fins est plus récente. Uber ne fait pas autre chose lorsqu’il augmente ses tarifs dans les zones où la demande est bien supérieure à l’offre et incentive les chauffeurs en leur promettant de meilleurs revenus s’ils peuvent se joindre à l’effort collectif. « Cette hausse des tarifs n’est pas populaire et nous attire souvent une mauvaise presse, mais elle est absolument essentielle dans notre modèle », expliquait Garrett van Ryzin, head of marketplace optimization advanced development d’Uber, lors du NRF Big Show 2017. « A certaines heures, les taxis aussi gagneraient à être moins chers : ils prendraient plus de courses et, comme ils font de la marge, gagneraient finalement plus d’argent. Des tarifs sur mesure permettent de capturer ce manque à gagner. Certains clients paient moins, d’autres plus, mais en réalité cela crée de la valeur pour tout le monde », affirme-t-il.

Naturellement, ce modèle n’est pas réplicable tel quel dans le retail. Personne n’a fréquemment besoin d’une robe dans les cinq minutes et le sourcing est bien moins souple. Néanmoins, plusieurs acteurs commencent à mettre en place des mécanismes d’optimisation de leurs promotions grâce à la personnalisation.

Poser la question à l’acheteur

L’un d’entre eux est l’américain Point93. Généralement, les promotions fonctionnent par paliers : on passe de -10% à -20%, -30%, -40%… Mais si une marque ne propose que -20% alors que l’acheteur aurait « craqué » à -23%, elle manque une vente qu’elle aurait peut-être été prête à réaliser, ceci par manque d’informations. Point93 les lui apporte en rendant la conversation bilatérale. En magasin, l’utilisateur scanne le tag de l’article, indique combien il est prêt à payer et combien de temps il peut attendre. L’algorithme de Point93 prend le relai, mouline météo, stocks, tendances et autres données, puis répond soit « ok tout de suite », soit « sans doute oui dans l’intervalle de temps demandé », soit envoie des offres intermédiaires dans les jours qui suivent. Le consommateur partage plus ou moins de données et peut aussi s’engager à ne pas retourner le produit, ce que la marque saura répercuter sur le prix, à la façon de Jet.com. Un mécanisme qui permet de récupérer le manque à gagner engendré par le modèle discret des promotions par palier.

En France, des services tels que Netotiate ou Personali permettent aux visiteurs d’e-commerçants comme Cdiscount de négocier le prix proposé et donc de personnaliser leur niveau de promotion.

Etape 1 : l’utilisateur fait une offre. Etape 2 : Cdiscount accepte ou renvoie une contre-offre. © Cdiscount

A lui tout seul, le ressort psychologique fonctionne et parvient à engager le visiteur. Celui-ci apprécie de plus en plus de se sentir unique et peut se réjouir de la ristourne que n’auraient pas obtenue les autres. Mais la remise maximale restant la même pour tout le monde, la personnalisation demeure en grande partie une illusion.

Un autre acteur va bien plus loin : Lucky Cart. Généralement, une promotion est déclenchée sur un certain nombre de critères et appliquée à un segment de clientèle. Typiquement les clients actifs, les clients dormants ou les prospects. Puis le marchand définit un budget, le plus souvent en pourcentage du montant du produit ou du panier, par exemple 20%. « Nous commençons par personnaliser le niveau de promotion, en attribuant par exemple 0%, 10%, 20%, 30% et 40% à chaque personne en fonction de sa sensibilité à ce levier, explique son fondateur Cyril Marchal. Nous analysons aussi leur appétence au risque afin de déterminer s’il vaut mieux faire une promo de 10%, offrir une chance sur dix de gagner le produit, ou encore une chance sur 1 000 de gagner un certain montant. Autrement dit, nous construisons le message pour qu’il soit le plus pertinent. »

Puis Lucky Cart définit un seuil d’éligibilité. En effet, lorsqu’un marchand offre 10 euros de remise à partir de 80 euros de panier, c’est parce qu’il a calculé que c’était rentable, mais cela ne signifie pas que c’est optimal. Or une troisième bouteille de Coca-Cola offerte pour deux achetées représentera un effort trop important pour un petit buveur et sera inutilement « dépensée » pour transformer une famille nombreuse déjà très consommatrice. Donc à partir de l’historique de caisse du consommateur, la start-up lui associe un seuil d’éligibilité. Enfin, comme une offre qui court sur trente minutes ou sept jours n’aura pas le même impact d’une personne à l’autre, la durée de vie de la promotion est elle-aussi personnalisée. Et bien sûr, Lucky Cart mesure l’incrément de performance par rapport à une base-témoin exposée à la promotion générique. Une méthode bien plus scientifique qu’une comparaison par période qui peut être perturbée par de nombreux facteurs extérieurs.

Pour alimenter son algorithme en données clients, Lucky Cart utilise l’historique transactionnel du marchand. « Lorsqu’un visiteur arrive sur le site d’Intermarché, celui-ci interroge nos serveurs qui renvoient une promotion personnalisée, indique Cyril Marchal. Il suffit que le visiteur soit identifié, même comme prospect, notre machine learning sait faire. Mais notre solution est particulièrement puissante sur les clients récurrents, puisque nous disposons alors de davantage de données. Ce qui permet d’adresser le problème principal : l’argent perdu en promos inutiles. »

Les promotions constituent l’un des principaux postes de dépenses des marchands et des marques. Jusqu’ici, elles étaient aveugles. Aujourd’hui, la data leur rend la vue.

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Internet TPE et PME : pourquoi la France est-elle en retard !

C’est à peine croyable. En France, 42% des entreprises de moins de 50 salariés ne disposent toujours d’aucun site internet (Baromètre Opinionway-Priceminister-LaPoste, octobre 2014). Un chiffre qui grimpe même à 75% chez les TPE, ces entreprises de moins de 10 salariés. Et une spécificité bien française, puisque la grande majorité des pays européens affiche un taux d’entreprises « connectées » bien plus important (73% en moyenne). Sur les 28 pays européens, la France n’arrive qu’à la 24ème place, bien loin de la Finlande et de ses entreprises à 94% équipées d’un site internet (Eurostat, décembre 2013).

Un problème culturel ? C’est ce que croit savoir Christophe Agnus, directeur de Nautilus Medias et président de l’Electronic Territories Group SAS. « Globalement, le retard pris sur le virage technologique est un problème culturel. Il doit y avoir derrière nous l’Italie et d’autres pays latins », analyse-t-il. « Dans ces pays, on croit un peu moins à la technologie. On est croyant mais pas pratiquant ».

La métaphore religieuse est filée par Georges de la Taille, dirigeant d’Actusite, une entreprise qui créé des sites internet pour les PME et les TPE. « On doit sans cesse faire un travail d’évangélisation. Convaincre les gens de l’intérêt du web et d’une présence sur les réseaux sociaux. Sur notre marché, on a affaire à beaucoup de personnes qui ont toujours fonctionné sans internet. Ils ont du mal à en saisir l’intérêt ».
« Ca m’a coûté 3 000 euros pour rien »

Il faut dire que l’effet d’un site internet n’est jamais immédiat. Et difficilement quantifiable. « On ne reçoit pas des appels de clients trois jours plus tard », résume Christophe Agnus. Mais cela paye. Hugues de Saint-Périer, conseiller général Axa, explique ainsi à Challenges avoir « remboursé dix fois » ce que lui coûte son site internet, géré par Actusite (environ 180 euros par mois). Seulement, il est difficile de savoir qui vient d’internet et qui s’est renseigné autrement. « Quand ils m’appellent, mes clients ne me disent jamais que c’est grâce à la newsletter, indique Hugues de Saint-Périer. Sauf si je leur demande ».

Un problème bien identifié par Christophe Agnus : « les gens disent : ça m’a coûté 3 000 euros pour rien. Mais ils ne savent pas que leurs quatre derniers clients viennent d’internet. » Il faut dire que « beaucoup fonctionnent encore avec des carnets remplis à la main des noms de leurs clients », poursuit-il.

Au delà de l’absence de conviction, c’est aussi le manque de motivation des entrepreneurs qui freine le développement de sites internet dans les TPE et les PME. « Je ne me l’explique pas vraiment, regrette Christophe Agnus. Peut-être qu’en France on passe tellement de temps à solder les problèmes administratifs que l’on n’a pas envie de s’atteler à des tâches informatiques. S’occuper d’un site internet prend du temps : il faut l’entretenir, développer une newsletter… Beaucoup de gens ne sont pas prêts à faire autant d’efforts ». 

Et puis les petites entreprises ne savent pas comment s’y prendre. Faut-il trouver soi-même un développeur, un graphiste, combien cela va-t-il coûter au bout du compte… ? La proportion d’entreprises connectées n’a progressé que de 8%

Peu à peu la situation évolue. Mais trop lentement. Si 14% des entreprises françaises souhaitent augmenter leur budget web et 15% recruter pour développer d’avantage leurs ventes sur internet, depuis janvier 2012 la proportion d’entreprises françaises « connectées » n’a progressée que de… 8%. Une situation qui pourrait prêter à sourire si elle n’était pas quelque peu dramatique pour les entreprises sans visibilité en ligne, qui accusent un retard important sur leurs concurrents disposant d’un site web.

« Je comprends que certains soient tout à fait hermétiques à l’intérêt d’une présence sur internet », conclut Hugues de Saint Périer. « Moi je suis un geek. J’ai un site internet depuis 1995, à peu près toutes les versions d’Ipad sur le marché et le wifi depuis plusieurs années dans mon cabinet. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde, il y en a qui ne sentent pas forcément le besoin d’avoir un site internet. » Et peut-être plus en France qu’ailleurs.

Comment se lancer dans l’aventure digitale, quand on dirige une petite entreprise ? Tout d’abord, il faut sérieusement analyser ses besoins. Puis choisir la solution la plus adaptée (inutile d’opter pour une formule de luxe si vous avez  seulement besoin d’un peu de visibilité).  Et savoir ne pas se faire embarquer dans une dépense sans limites…

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